Tout a commencé par l’entrée. Enfin, mon dernier élan, celui qui se concrétise aujourd’hui à travers cette rénovation, celui-là (qui n’était pas vraiment le premier), celui-là a commencé par l’entrée.
C’est drôle quand j’y réfléchis.
Cette entrée, elle commençait à me sortir par les yeux.
C’est peut-être à cause du dressing mal agencé qui a cristallisé en lui la problématique de partage de l’espace inhérente au début d’une nouvelle vie en couple.
Je voulais faire de la place à mon amoureux pour qu’il puisse laisser quelques affaires. Mais les étagères trop profondes et trop espacées ont vite conduit à une accumulation de ses vêtements en une pile vertigineuse compliquant l’accès, derrière, aux miens. Pas très pratique au quotidien.
Et puis les manteaux qui se superposent ont commencé à encombrer le passage. Les chaussures ne sont plus rentrées dans le meuble dédié. Le désordre s’est installé.
J’ai été envahie.
A la fois pour mon plus grand plaisir, celui de partager ma vie à deux, mais aussi pour mon plus grand désarroi. Car j’ai besoin de place.
Et d’autant plus dans cet espace qu’est l’entrée.
Espace de transition par excellence.
Et là encore, je souris. Parce que c’est exactement ce que j’ai conscientisé cet été en même temps que mon amoureux le découvrait : je suis une femme de transitions – et plus spécifiquement, de transitions lentes.
J’ai besoin de temps. D’espace et de temps.
Dans les moments vécus mais aussi et surtout dans les transitions.
J’habite mes transitions.
Ce n’est peut-être pas un hasard si ma reconversion a durée 4 ans. 4 ans de cours du soir et week-end. Sans oublier un an auparavant de cours de mise à niveau en dessin. Et sans compter les deux ans précédents ponctués d’ateliers, de recherches, de tests et de réflexions sur mon idée.
7 ans donc. 7 ans entre l’idée de la reconversion et l’obtention du diplôme d’architecte d'intérieur, accompagnée de mes premiers projets clients.
Si ça ce n’est pas prendre son temps. Vivre pleinement la transition.
Je n’en avais pas forcément conscience jusqu’à présent, en tous cas, pas sous cette forme-là.
Mais cet été, à suivre un rythme effréné d’activités, un rythme qui n’est pas le mien, j’ai senti que je n’étais pas alignée. Je suis devenue bougon et j'ai eu la fâcheuse tendance à me renfermer comme une huître pour éviter de laisser exploser mon humeur exécrable.
Pourtant, à bien y regarder, on ne faisait pas non plus un milliard de choses chaque jour. Simplement, les espaces de transition me manquaient. Pour mon compagnon, la transition, c’est le trajet à vélo entre deux activités. Pour moi, c’est cet espace juste avant et juste après, ces micro-respirations que j’ai besoin d’allonger.
L’entrée dans un appartement, c’est la matérialisation concrète de cet espace de transition. C’est l’avant ou l’après le trajet, c’est l’espace d’atterrissage ou de décollage en quelque sorte (petit clin d’œil aérien à mon homme).
Ces petits instants précieux sont mon luxe. Comme les quelques secondes de silence avant le début d’un morceau de musique classique, quand tout l’orchestre retient son souffle, attendant le signal du chef d’orchestre. Ou ce moment à la fin, si beau et fragile, entre la dernière note d’une symphonie et le premier applaudissement qui rompra le silence empli de l’émotion créée par la musique.
Avoir une entrée dans un appartement, d’autant plus dans un studio si petit, c’est pour moi un luxe, et un incontournable.
J’ai besoin de cet espace de transition entre l’énergie du dehors et celle du dedans.
Un sas de préparation et de décompression.
Un endroit où je peux à la fois m’apprêter pour affronter le monde extérieur, et me déposer, me décharger à mon retour.
L’entrée c’est aussi la première impression qui nous accueille et celle qu’on laisse en partant. Sûrement les deux plus importantes dans toute rencontre.
Si certains préfèrent entrer directement dans la pièce à vivre, j’y vois une facilité à mélanger l’extérieur et l’intérieur.
De mon côté, je réalise que c’est finalement très cohérent que les gens qui viennent chez moi aient comme première et dernière impressions ce sas, cet espace de transition.
Puisque je suis une femme de transitions.
J’en ai même fait mon métier : n’est-ce pas le but d’un architecte d’intérieur que d’accompagner dans les transitions de lieu de vie, et celui d’un coach que de faciliter celles d’état d’esprit ?
C’est peut-être comme ça que je devrais m’appeler d’ailleurs « Facilitatrice de transitions intérieures » ?! Chez soi et en soi.
D’ailleurs, je réalise qu’en ce moment, je savoure exactement ce genre d’espace de transition que je chéris tant. Un espace que je me suis créé presque malgré moi dans ce projet de rénovation.
J’ai vidé mon appartement en vue des travaux il y a déjà plusieurs semaines, au moment de partir pour l’été. C’était un choix dicté avant tout par une envie de surfer sur l’énergie des départs en vacances, pour ne pas garder ce stress du déménagement pour la fin de l’été. Mais finalement, cela m’a aussi offert la parfaite transition.
C'est comme si je laissais le temps à mon appartement (autant qu'à moi!) de respirer, quelques semaines, avant le tourbillon du chantier.
Et cette entrée qui va voir le jour, elle sera un parfait écrin à ces transitions douces dont j’ai tant besoin. Parce que chaque fois que je franchirai ce seuil, ce sera un rappel : prendre le temps. Respirer. Savourer.
Une invitation à habiter cet espace de transition pleinement.
